Airial Landais

Airial Landais

Petite nouvelle de l'été 2020, par PASSION
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      Je m'appelle Alice,
                                      
 mais je ne vis pas au pays des merveilles !

Au contraire, je ''navigue'' dans un monde où l'ordinaire règne.
L'ordinaire pourrait aussi se nommer banal, commun, simple, morne .

On pourrait dire aussi que j'ai traversé le temps, sans éclats, sans attraits, sans faits marquants. Moi- même, je me trouve sans grand intérêt ; vous pouvez certainement me croiser sans que votre regard se pose sur ma pauvre personne, sur ma pauvre vie. Quand j'étais enfant, je ne brillais pas non plus, ni par ma beauté, ni par mon intelligence. Est-ce que j'en souffrais? Non; on ne souffre pas de ce qu'on ne connaît pas.

La simplicité de ma famille ne pouvait pas me faire miroiter un très grand avenir; mes parents avaient juste mener leur vie au mieux, travailler pour survivre sans dettes, sans trop de privations et pour élever leurs deux enfants; moi l'aînée, et mon frère Pierrot, de 4 ans mon cadet.

Nous avons eu un parcours scolaire traditionnel; à 19 ans, je rentrais aux PTT , et Pierrot s'engagea dans l'armée 2 ans après.
Il avait à peine 17 ans...
Quelques années plus tard, il partit vivre en Angleterre.
Vraiment rien d'exceptionnel dans nos vies conjugales, non plus.
Les parents ayant mal vécu son homosexualité, mon frère ne fréquenta plus souvent la maison et on se vit de moins en moins; je ne lui ai pas connu de liaisons sérieuses de longue durée.
Nos parents disparus, la maison de famille fut vendue, plus rien ne rattacha mon frère à la France...
Seule la traditionnelle carte de vœux annuelle resta un lien entre nous.
Quant à moi, je me suis mariée à 30 ans avec un gentil garçon du village, sans grandes ambitions, et nous n'eurent pas d'enfants !
Voilà, le décor est planté !

Lecteur, tu dois te demander, qu'est-ce que, de cette petite vie assez quelconque, on peut écrire, pour espérer te donner envie de continuer cette lecture...
je ferai comme toi !!! Mais attends ! Ne t'en va pas …
Tant que la vie nous habite, l'avenir existe, aussi improbable que surprenant .
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Je m'appelle Alice....

Je suis l'épouse de Bertrand. Nous vivons comme deux petits fonctionnaires, dans une petite ville de campagne, au fin fond des Landes de Gascogne.
Nous ne sommes pas malheureux! nous sommes plutôt ''IMMOBILES''
Jusqu'au jour où ???
Voilà vraiment le début de cette histoire....

                                                       ******
Comme chaque soir, j'attends Bertrand qui rentre  plus tard que moi ;
le repas est prêt, je suis déjà en pyjama.--- car dès que je rentre du travail, je cours à la douche pour me débarrasser au plus vite, de cette odeur de renfermé, due au monceau de vieilles paperasses entassées depuis des lustres, dans mon petit bureau de poste...
Les ARCHIVES, disons-nous pompeusement!---
Bertrand arrive vers 20 heures ; il est greffier au tribunal de Mont-de-Marsan, à presque une heure de notre village. Il a souvent des réunions qui finissent tard, et c'était déjà ainsi au début de notre union.
Rien n'a changé en 15 ans de vie commune:
Ah si ! peut-être la longueur de nos silences!!!

Ce soir de février, Bertrand tarde plus que d'habitude.
Plusieurs fois, je tente de le joindre sur son portable, mais c'est toujours le message laconique de sa voix, disant qu'il ne peut pas répondre, qu'on lui laisse nos coordonnées, qu'il nous rappellera...etc etc...
 mais il ne rappelle pas !!!
Mon inquiétude monte même si je sais qu'il a parfois des transferts de condamnés où sa présence est nécessaire en complément du service d'ordre.
A force d'attendre, je finis par m'endormir sur le canapé.

Il est 3 heures du matin quand je bondis au bruit de la porte. On frappe?!
Je me précipite, craignant le pire, j'ouvre la porte brusquement, sans aucune précaution, et je me trouve, ahurie, devant.....BERTRAND (?!)

Il bafouille qu'il a perdu ses clés...sa voix est pâteuse...son regard fuyant...
--< Mais que t'est-il arrivé ?>
Il pénètre dans le salon, tourne en rond sans savoir où se poser; on dirait qu'il ne sait plus qu'il habite ici depuis 15 ans!!!

Je ne l'ai jamais vu comme ça... lui, si sérieux, si 
toujours ''contenu'' , et qui, jamais de sa vie, n'a dépassé un deuxième verre, ressemble là, à un pantin désarticulé, sa chemise sortie du pantalon, la cravate dénouée, et qui continue à tenir sa mallette à la main, comme si il était en visite.
J'ai presque envie de rire!
Il me fait penser à un croque mort de dessin animé!!!!!!!!!!!!!!!
Je renouvelle calmement ma question:
--<Mais que t'est-il arrivé, Bertrand ?-->
Son regard froid se pose enfin sur moi et un rictus mauvais retrousse sa lèvre, sur un sourire cruel.
--<Il ne m'est rien arrivé de nouveau... il m'est juste arrivé de trouver le courage de te dire enfin: 
---QUE JE TE QUITTE-->
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  Je reste interdite devant cet homme qui est mon mari mais qui m'est, ce soir, complètement inconnu...tout dans son comportement, son apparence me laisse un goût amer de duperie, comme si j'avais été trompée sur la ''marchandise'' à l'ouverture d'un colis postal .
L'alcool bien sur.... mais ''in vino véritas''... alors???
Est-il possible qu'il soit en train de dire ce qu'il pense depuis longtemps?
Que ses mots soient une prise de conscience révélatrice d'un état de fait?
Qu'il est décidé d'en finir avec notre petite vie calme et conformiste?
J'ai besoin de m'asseoir.
Quel sentiment bizarre que celui qui m'envahit...
C'est comme si ce ''Monsieur'' que je ne connais pas, venait m'accuser d'un oubli de règlement d' une facture; un rappel d’impôts peut-être ?
Ni chaud, ni froid.

Bertrand se lance dans un monologue interminable, dont je ne capte que des bouts de phrases; des: --''je ne savais pas comment te le dire''-- ''plus rien en commun''-- ''avec Elle, C'est Elle, grâce à Elle ''--''ça fait longtemps''--''je revis''-- et bla-bla-bla, et bla-bla-bla.

Silencieuse comme une statue d'église, je m'amuse intérieurement de voir son embarras! D'habitude quand il expose un problème à son entourage, il déballe sa grande facilité d’élocution; là, je crois entendre un mauvais élève, devant un tableau noir, incapable de traduire sa leçon, pourtant apprise et longuement rabâchée!!!
Mais je reste étrangère à son discours; comme si je regardais un mauvais film, je ne me sens pas concernée, je tourne les talons et je monte me coucher!!!

                                                                   ****
Au matin, il pleut des cordes.
Bertrand dort encore sur le canapé, une bassine à coté de lui, son vomi empeste...Quel spectacle!
Tiens, l'idée me vient de faire une photo, pour me consoler plus tard si le besoin s'en faisait sentir; mais j'en doute... vu mon ressenti aujourd'hui, ma froideur devant cet événement pourtant de haute importance, j'aurai du me sentir surprise, blessée, humiliée même: Mais rien... pas un sursaut de peine ou de joie, pas un regret, pas non plus de remords.
Rien ! Inerte je suis.
Triste constat, en fait: IMMOBILE, comme l'a été notre vie ensemble!


Pourtant, comme à l'accoutumée, je prépare le petit déjeuner;
L'arôme du café réveille l'homme à l'allure lamentable qui péniblement s'extirpe de son lit d'infortune et s'approche hésitant vers la table de la cuisine... il adore le café!
Encore son regard fuyant....
Il s’assoit, mais avant qu'il ouvre la bouche, je lui dis:
--< Tu pars quand ?>
Il est comme sonné !!! La tasse reste un moment bloquée entre la table et sa bouche, puis il se reprend, boit une gorgée, grimace un peu, et finit d'avaler son breuvage préféré.
Enfin, son regard se plante dans le mien ;
--< Alice, nous sommes des adultes raisonnables, des gens intelligents, essayons de faire en sorte que tout se passe bien entre nous-->
--< Tu pars quand ?> dis-je à nouveau, avec calme et détermination.

Bertrand se lève d'un bond en repoussant violemment sa tasse;
--< Mais enfin Alice, je n'ai pas prévu de quitter la maison tout de suite; 

tu ne vas pas me chasser comme un mal-propre! >
--< Justement Bertrand, en parlant de ''mal-propre'' merci de nettoyer ton vomi !
Je me levais à mon tour pour ouvrir porte et fenêtres, afin d'aérer la pièce.
Il était toujours là, sans réactions, le visage rouge, le regard courroucé…
--< On peut parler quand même...!
--< Tu as déjà tout dit cette nuit; tu ne t'en souviens pas?
Que pourrais-tu ajouter qui ferait mieux passer la pilule que je m'empresse d'avaler? Car vois-tu Bertrand, je me sens presque libérée; et oui, mon mari ! libérée de toi, l'égoïste macho, qui depuis tant d'années, n'a jamais pensé qu'à lui, qui m'a résumé à ce rôle de ''maîtresse de maison''; l'épouse idéale, qui savait pourvoir à tes moindres volontés, mais sans doute pas assez à tes plaisirs...puisque tu as trouvé une autre maîtresse! pas de maison, celle là... juste de lit!
Il n'y a plus rien à dire, sinon:
--<Tu pars quand ?! >

Nous étions dimanche, donc de repos... pas de travail pour s'enfuir de ce mélo-drame ! Alors j'enfile mes bottes de pluie et je pars faire un tour dans notre airial .
Les chênes pleurent … pas moi !!!
Je respire à plein poumons.

J'entends bientôt la voiture de Bertrand qui démarre...
Alors, alors seulement, je me sens femme bafouée dans mon orgueil d'épouse;
j'ai presque toujours admis comme normal d'être ''la femme de''
Désormais , je serai Alice, seulement Alice !


                                   ******************** à suivre
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